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NEWS -Les grandes illusions de l'ag



Subject: NEWS -Les grandes illusions de l'agriculture birmane 

Birmanie-agriculture,PREV
   Les grandes illusions de l'agriculture birmane (MAGAZINE)
   par Philippe AGRET
   
   RANGOUN, 30 août (AFP) - La junte militaire birmane mise sur
l'agriculture 
extensive, notamment le défrichage des terres vierges, pour
industrialiser le 
pays et le sortir du sous-développement. Un modèle dépassé, lourd de 
contraintes sociales et écologiques, avertissent les experts
internationaux.
   "Notre idée est d'introduire une industrie génératrice de croissance
basée 
sur l'agriculture", explique le docteur Mya Maung, directeur général du 
département de la planification agricole.
   L'agriculture représente 46% du Produit intérieur brut (PIB), 40% des 
revenus de l'exportation et 63% de la force de travail, souligne-t-il.
   Les autorités ont donc lancé un vaste schéma d'aménagement agricole
qui 
repose sur l'exploitation des "terres cultivables en friche", soit 
potentiellement 8 millions d'hectares (12% de la surface cultivable).
   Ces terres en jachère sont proposées à des entrepreneurs privés
birmans, à 
charge pour eux de les mettre en valeur. En échange, pour le riz, ils
ont le 
droit d'exporter la moitié de la production (un monopole étatique).
   76 compagnies privées auraient ainsi acquis 1,2 million d'hectares de 
terres vierges depuis décembre 1998, selon le ministère de
l'Agriculture.
   "Je suis absolument certain que ça va marcher, les compagnies privées 
peuvent faire un profit en trois, quatre ans", assure le Dr Mya Maung.
   Les économistes et agronomes occidentaux en doutent.
   "On ne développe pas un pays à la fin du 20ème siècle par un retour à
la 
terre. Le développement économique de l'humanité s'est fait par les
villes", 
argue un analyste européen, qui reproche à la junte sa "vision passéiste
de 
l'agriculture".
   Mais ce n'est pas tant le choix de l'agriculture comme moteur du
décollage 
économique qui fait tiquer les spécialistes --Taïwan et la Corée du Sud
sont 
des exemples réussis-- que la façon de procéder.
   Certains critiques, y compris birmans, soupçonnent les généraux de
vouloir 
reconstituer une "oligarchie terrienne", acquise au pouvoir, en
distribuant 
les friches à des "tycoons" locaux. Ceux-là même, souvent, qui ont perdu
des 
plumes dans la "bulle" hôtellière crevée par la crise asiatique de 1997.
   "Privilégier les entrepreneurs privés, c'est privilégier les riches
au 
détriment des petits fermiers", s'insurge un spécialiste du
développement.
   "Soit ils ne vont rien faire, sinon racheter du riz aux petits
fermiers, 
exporter 50% et en retour importer des Toyotas", ironise-t-il.
   "Ou alors ils vont obtenir le droit de sous-traiter, à des
entreprises 
chinoises ou indiennes, les ressources naturelles du pays, et renoncer à 
developper le savoir-faire".
   Sans compter les dégâts écologiques potentiels, dûs à la
multiplication des 
barrages.
   La junte militaire vante l'abondance des ressources naturelles qui 
permettent de garantir l'autosuffisance alimentaire mais encore, 
éventuellement, de servir de "grenier à riz" à la région entière.
   Pourtant, des statistiques compilées par des institutions
internationales 
tendraient à montrer la Birmanie végète, sinon recule, par rapport au
reste de 
l'Asie. Tant au niveau de la croissance de la production que des
rendements à 
l'hectare, des surfaces ensemencées et des engrais.
   Paradoxalement, tandis qu'on défriche des terres vierges, d'autres
surfaces 
sont abandonnées par les petits fermiers, ponctionnés par les taxes --en 
nature pour le riz-- et prisonniers du système étatique.
   L'Etat achète à prix convenu 20% de la production de riz pour ses 
fonctionnaires et l'exportation --à 300 kyats (moins d'un dollar) le
panier de 
26 livres alors que le prix du marché à la sortie de la ferme est de 550
kyats.
   Le fermier préférera donc vendre à l'Etat le mauvais paddy, de basse 
nature, d'où la piètre qualité internationale du riz birman, ou, s'il le
peut, 
cultiver des haricots, plus rentables.
   "Si les paysans étaient intéressés, ils gagneraient plus d'argent
avec des 
riz de qualité que des riz cassés", assure l'expert. Tout augmenterait:
les 
achats d'engrais et de semences, les exportations, les rentrées de
devises...
   "Ils (les généraux) feraient mieux de doubler la production plutôt
que 
gagner des terres impossibles", estime-t-il, en plaidant pour "une
agriculture 
productiviste au profit des petits agriculteurs".
   agr/pb  eaf