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ERIKA OIL SPILL!!!! French Text (oi
Subject: ERIKA OIL SPILL!!!! French Text (oil globalisation Total Fina )
French text
La jungle de la mer
Questions-réponses autour du naufrage.
Par CHRISTIAN LOSSON ET PAUL QUINIO
Le jeudi 16 décembre 1999
Le naufrage du
pétrolier «Erika»
Catastrophe de
complaisance
Mission houleuse
pour endiguer la marée
noire
«L'effet marmite»
La jungle de la mer
Economies à risques
«Il faut interdire les
pavillons de
complaisance»
La série noire
Les marées noires
portent souvent le nom
de pétroliers. Le
dernier est le
Nakhodka, qui s'est
brisé en deux au large
de l'île japonaise de
Honshu le 2 janvier
1997, déversant 19
000 tonnes de fuel. Le
premier est le Torrey
Canyon, chargé de
113 000 tonnes de
brut, qui s'abîme le 18
mars 1967 sur des
récifs entre la
Cornouaille et les îles
Scilly
(Grande-Bretagne): la
Côte de Granit rose
(Côtes-du-Nord) est
souillée par 30 000
tonnes de pétrole. Les
pires: l'Amoco Cadiz,
échoué le 16 mars
1978 sur les rochers
de Portsall, dans le
Finistère (220 000
tonnes de brut souillent
300 km de côtes), et
l'Exxon Valdez (mars
1989, 40 000 tonnes
déversées sur 1 000
km de côtes en
Alaska). En Bretagne,
le 7 mars 1980, le
pétrolier malgache
Tanio se casse en deux
dans une tempête au
large de l'île de Batz et
sa partie arrière coule
avec 6 000 tonnes de
fuel lourd à bord. Mais
la plus grande marée
noire de l'Histoire est
celle de la guerre du
Golfe: le 26 janvier
1991, en quittant le
Koweït, l'armée
irakienne sabote une
grande partie des
installations pétrolières
de l'émirat:
entre 700 000 et 900
000 tonnes
d'hydrocarbures se
déversent en mer au fil
des semaines.
AILLEURS SUR LE
WEB
Un site priv? r?alis? par
des marins
Le site de la Marine
nationale
le Centre de
Documentation de
recherche et
d'expérimentations sur les
pollutions accidentelles
des eaux (Cedre).
Le site de Sycopol est
une association qui
regroupe des
professionnels de la lutte
contre la pollution des
eaux au niveau
international.
ar nature international, le trafic maritime
nage entre conventions
et approximations. Parfois en eaux troubles.
Questions.
Quel est le CV de l'«Erika»?
C'est un bateau de 180 mètres, construit en 1974
au Japon. «Une
illustration fidèle de la réalité de la flotte
pétrolière actuelle»,
assure Nanno Mulder, du Cepii (Centre d'études
prospectives et
d'informations internationales). Un monde fait de
sociétés écrans, de
paradis fiscaux et de main-d'?uvre exploitée. «Un
bel exemple de
la mondialisation», dit Mulder. Vieux de 25 ans,
un propriétaire
italien (Tevere Shipping), un affréteur français
(TotalFina), un
pavillon maltais, et des marins indiens. Il a
changé trois fois
d'armateurs : norvégien, grec, italien
aujourd'hui, et a connu au
moins six noms. Il a enfin arboré trois pavillons
de complaisance:
Panama, Liberia et Malte.
Qu'est-ce qu'un pavillon de complaisance?
C'est un navire qui arbore le pavillon d'un autre
pays que celui du
propriétaire. Avantages fiscaux évidents: frais
d'immatriculation
réduits, peu ou pas d'impôts sur les plus-values,
lois sociales du
pays dans lequel il est immatriculé (donc
souvent, comme au
Liberia, une main-d'?uvre taillable et corvéable
à merci). Selon
l'ITF, la Fédération internationale des ouvriers
des transports (500
syndicats dans 125 pays), qui mène la guerre
contre ces «pratiques
déloyales», 27 pays ont été déclarés «de
complaisance» (1). En
tête : Panama (800 bateaux). Parfois, les
registres de complaisance
ne sont même pas gérés par le pays concerné.
Ainsi, dit l'ITF, le
Liberia «fait effectuer son travail administratif
par les
Etats-Unis» et «le Cambodge laisse à Singapour le
soin de
régler le suivi juridique...»
Pourquoi les compagnies pétrolières ont-elles
recours à des
pavillons de complaisance?
«Pour être compétitif, assure encore Mulder. La
concurrence est
telle qu'on rogne à la marge.» Jean-Paul
Declercq, ancien
commandant au long cours, aujourd'hui
porte-parole des Verts
de Loire-Atlantique, confirme : «Ce mouvement est
né il y a
quarante ans dans la marine marchande. La
Commission
européenne elle-même, plutôt que de privilégier
la qualité des
navires, la compétence des équipages, a joué le
jeu du transport à
moindre coût. Un matelot philippin coûte cinq
fois moins cher qu'un
français, cinq fois moins pour un capitaine
russe.»
Ces pavillons sont-ils moins fiables?
Oui, disent les chiffres. Sur 94 naufrages en
1998, 39 navires
naviguaient sous pavillon de complaisance: 12 du
Panama, 6 des
Bahamas, 5 de Chypre, 3 de Malte. Pire, selon
l'ITF, 46 % des
pertes en tonnage seraient attribués à 8
pavillons de complaisance.
Problème : les changements de pavillons de
complaisance
permettent aux navires de passer entre les
mailles des contrôles.
Non, dit TotalFina, qui assure qu'«on peut avoir
des pavillons de
complaisance chez les armateurs les plus sérieux.
Ça ne
préjuge en rien de la qualité».
L'«Erika» n'avait pas de double coque. Etait-il
hors la loi?
Non. Il échappe seulement à la nouvelle
législation «écologique» qui
impose, depuis 1993, une telle obligation.
Etait-il trop vieux? Non.
La durée maximale d'un bateau à coque simple est
de trente ans. En
1995, explique l'Union française des industries
pétrolières, «53 %
des pétroliers avaient plus de 15 ans». Le
problème réside dans
le sérieux des contrôles, au nombre de trois.
Ceux, inopinés, des
ports. Ceux laissés à la discrétion des grandes
compagnies. Et ceux
effectués par les sociétés de classification.
L'Erika avait été
inspecté en Russie, en France et en Italie. Il a
été contrôlé il y a
quinze jours par les Espagnols de Repsol. A
TotalFina, on confie
que les «structures métalliques» avaient été
passées au crible en
1998 à Gênes (via la société Rina). Problème: ces
sociétés de
classification n'ont pas toutes la même rigueur
qu'impose un label,
décerné par l'OMI (Organisation maritime
internationale).
Que contrôle-t-on?
A règles sévères, applications variables selon
les Etats. Jean-Paul
Declercq l'explique: «En France, la règle du
contrôle annuel,
pour savoir si un bateau est apte à naviguer, est
respectée.
Même s'il existe évidemment des pressions de la
part des
industriels.» Mais souvent, dans les Etats qui
abritent des pavillons
de complaisance, ces inspections sont plus
souples. «Un système
de sous-traitance les confie à des sociétés dont
il est impossible
de vérifier l'indépendance.» La solution? Un
corps d'inspecteurs
internationaux indépendants pour ausculter «les
navires de plus de
dix ans», dit Declercq. Autre problème : «Même
les pays
signataires du mémorandum de Paris, qui oblige
les Etats à
inspecter 25 % des bateaux transitant chaque
année par leurs
ports, n'en ont visité que 18 % en 1999.» 13 %
cette année,
selon les Affaires maritimes et des gens de
mer...
Qui paiera la facture de l'«Erika»?
La lutte contre la pollution incombe normalement
aux préfets et aux
maires. L'affréteur n'est en rien concerné par
l'indemnisation.
«L'armateur (ici, l'Italien Tevere Shipping) est
juridiquement
responsable, dit Total. En droit, armateur égale
pollueur.» Mais
le groupe d'ajouter: «On se sent quand même
solidaire. On est
même partenaire de deux coopératives dotées
d'équipements
pour lutter contre la pollution: une à
Marignagne, l'autre à
Southampton, pourvue elle de près d'un milliard
de francs
d'équipements.» Les assurances? Chez le courtier
Eyssautier, on
précise que «dans neuf cas sur dix, ce type de
risque lié à
l'environnement n'est pas pris en charge par les
assurances, qui
vont s'en tenir aux dommages aux navires, aux
remboursements en cas d'assistance ou l'assurance
des
cargaisons. Les risques liés à la pollution sont
du ressort de
clubs d'armateurs, des sortes de mutuelles.» Il
existe un fonds
depuis 1971 : le Fipol, financé par les
compagnies pétrolières.
Y a-t-il plus de pollution aujourd'hui?
Selon l'OMI, la pollution provenant des navires
«a diminué
remarquablement» au cours des vingt dernières
années. Elle cite
une étude réalisée par l'académie des sciences
des Etats-Unis, selon
laquelle «la pollution par les hydrocarbures
provenant des
navires a baissé d'environ 60 % dans les années
80». Reste une
certitude: l'erreur humaine serait «à l'origine
d'environ 80 % des
accidents».
(1) Selon l'ITF, 443 navires battant pavillon
maltais ont été
consignés pour infractions entre 1996 et 1998.